Il a tout gagné avec Anderlecht dans les années 80, s’offrant même le luxe d’aller soulever une Coupe UEFA face à Lisbonne en 1983 et perdant une finale de la même compétition contre Tottenham, un an plus tard. Pourtant Alex Czerniatynski a aussi brillé avec le Royal Antwerp emmenant le club en finale de Coupe des Coupes en 1993, la dernière finale européenne pour un club belge. Entre temps; le Standard avec Michel Preud’homme. Portrait.
Bonjour Alex, pourriez-vous nous parler de cette Coupe des Coupes (C2) s’il vous plait ?
A l’époque, je vais être honnête le premier ou le deuxième tour, ce n’était pas trop compliqué car les équipes étaient très faibles ce qui n’est plus le cas aujourd’hui quand tu te déplaces au Kazakhstan par exemple. Les déplacements étaient compliquées et les hôtels pas idéals. Maintenant, cela a changé quand on voit le luxe dont bénéficie les joueurs de football.
A mon époque, les déplacements en Europe étaient compliqués
Quel est le match le plus électrique que vous ayez joué ?
Le match contre le Steaua Bucarest, on a été accueilli comme des chiens. Il y avait une tension énorme. L’entraîneur Anghel Iordanescu vient me voir à la mi-temps et me dit « toi, on va te casser la jambe » et finalement, c’est moi qui égalise à un quart d’heure de la fin. Mais ce sont nos supporteurs qui les ont encerclés car les Roumains nous envoyaient des boules de glace ainsi que sur nos épouses. C’était le match le plus dangereux que nous ayons joué. Déjà, le jour avant le match, il y avait des chiens qui aboyaient toute la nuit et puis le matin au déjeuner, on n’a plus rien entendu.
A la mi-temps de Steaua-Antwerp, Iordanescu me dit « toi, on va te casser la jambe »
Quand vous mettez le but du un partout, ça a du les calmer, non ?
Quand j’égalise, cela les a encore plus excité ! On était content de monter dans l’avion pour rentrer. Ce sont nos supporteurs qui nous ont protégé. Mais pour qu’un entraîneur vienne me dire cela à la mi-temps, je n’imagine même pas sa causerie. Quand j’en parle à des journalistes, c’est le match que je retiens.
Quand j’ai égalisé, cela a encore plus excité les Roumains
Pourtant, j’avais plus l’impression que c’était le match retour face au Spartak (3-1) qui avait été déterminant, non ?
C’était chaud mais la configuration n’était pas la même. Après avoir été mené par le Spartak, on savait qu’il fallait qu’on mette trois buts. J’égalise avant la mi-temps. Et puis sur un corner, le joueur me donne un coup au visage, je m’écroule, l’arbitre sanctionne d’un carton rouge Onopko alors que ce n’était pas lui et là on a fait 3-1, le stade s’enflamme car derrière, c’est la finale. Cela a été la fête pendant quelque jours. Quand on voit tout le parcours, nous avons eu des difficultés, ce fut un vrai parcours du combattant.
Notre parcours de C2 avec Antwerp en 1993, ce fut un vrai parcours du combattant
Vous avez connu Walter Meeuws en tant qu’entraîneur, véritable légende du Standard. Comment était-il ?
Je vais vous dire, Walter, ce n’était pas un entraîneur, c’était un père. On avait perdu un derby, le président était fou furieux, Meeuws l’a fait sortir du vestiaire ce qui n’était pas fréquent. Nous allions manger tous ensemble le lundi, c’était un vrai groupe d’amis. Nous avons gagné la Coupe de Belgique face au grand Malines. Il est toujours resté du côté des joueurs. C’est la première fois que j’ai vu les épouses faire un cadeau à l’entraîneur à la fin de l’année. C’est lui qui avait demandé à ce que nos femmes assistent gratuitement à nos matchs et à la finale à Wembley. On s’entraidait entre joueurs, ce qui est moins le cas aujourd’hui. Je l’ai beaucoup aimé et il n’avait pas besoin de nous mettre la pression pour que nous ayons des résultats.
Walter Meeuws n’était pas un entraîneur, c’était un père. Il n’avait pas besoin de nous mettre la pression pour qu’on ait des résultats
Vous aviez une super équipe à l’époque avec Stojanovic dans les buts …
C’est dommage car il fait une grosse saison et le seul match qu’il loupe, c’est la finale à Wembley où il a deux buts pour sa conscience. Le président avait voulu que Ratko Svilar joue la finale car c’était un monument à Antwerp mais il faut dire que l’histoire lui a donné raison mais nous ne savions pas que Stojanovic allait rater sa finale alors que quelque années plus tôt, il remporte la C1 face à Marseille. En finale, les erreurs se paient cash.
Stojanovic bien que vainqueur de la C1 a raté sa finale avec Antwerp
En face de vous dans les rangs de Parme, George Grun. Que vous a-t-il dit après la finale ?
Avant et après le match, nous avons parlé ensemble, nous avons échangé nos maillots car nous étions amis à Anderlecht. Nous avons même évoqué la prime de match qui était largement plus élevée pour eux, je me souviens même d’avoir demandé le change tellement, cela paraissait énorme. Mais déjà les Italiens étaient très équipés.
Les primes de match étaient largement plus élevées entre les Italiens et nous
Qu’est ce que cela représentait les Italiens à votre époque ?
Déjà, quand je jouais à Anderlecht, c’était très compliqué de jouer les Italiens. Quand on voit Asprilla sur le banc en 1993, déjà, nous étions contents de le voir remplaçant. Des trois équipes en demi, on voulait les Russes. Leur système était vraiment difficile à manoeuvrer, leur condition physique toujours au top. Si les Italiens reviennent bien aujourd’hui, dans les années 80-90 c’était pas de chance de tirer une équipe italienne.
Quand on voit Asprilla sur le banc en finale, nous étions déjà contents
Pourtant, à Wembley, le stade n’est pas plein et la pelouse pas terrible, n’est ce pas ?
Je regardais toujours la finale de la Cup mais j’ai été déçu car ils ont abattu le stade après pour en faire un nouveau. On a appris qu’il y avait eu une finale de rugby quelque jours avant et la pelouse était vraiment pas au niveau d’une finale européenne.
Vous avez joué au Standard mais dans une période difficile …
J’arrive juste après l’affaire Bellemans. J’ai eu la chance que la Meuse ait fait un sondage « quel attaquant souhaitez-vous voir au Standard ? » Je suis arrivé en tête. J’entame bien face au Cercle Bruges en mettant un doublé, le public m’a tout de suite adopté. Quand on vient d’un club comme Anderlecht au Standard, ce n’est pas simple. Même quand je retournais au Standard, j’ai été accueilli les bras ouverts.
Après avoir marqué un doublé face au Cercle, les fans Rouches m’ont tout de suite adopté
Vous avez une relation étroite avec Michel Preud’homme. Quel homme est-il ?
J’étais tout le temps avec Michel. Encore aujourd’hui, nous sommes en contact. En tant qu’entraîneur, je ne pensais pas qu’il arriverait si vite à avoir des résultats. Mais c’est quelqu’un de très intelligent. On part en vacances au Maroc et il me dit « je pars à Malines », on connait la suite, ils ont tout gagné avec ce club, c’était l’une des équipes les plus huppées en Europe. Aux USA, ils voulaient être le meilleur gardien de la Coupe du monde, je l’ai entraîné un peu plus après les séances et puis il nous a annoncé qu’il partait à Benfica où là aussi, il a réussi. Il a toujours été très professionnel. 24 heures dans une journée, ce n’est pas assez pour lui et cela ne doit pas être facile pour sa femme tous les jours (rires). Dans la vie normale, c’est un type extraordinaire mais il a horreur de perdre. Je crois que parfois il a plus raison que tort même si c’est mon ami. C’est Michel et on ne le changera jamais. Toi qui es à Bordeaux, je sais qu’il était en contact avec les Girondins mais il ne savait pas trop bien ce qu’il allait faire. Je me souviens de cette période.
Michel est un type extraordinaire mais il a horreur de perdre
Vous étiez suivi par des clubs français dont Bordeaux et Lille. Est-ce que vous vous souvenez de ça ?
Je me souviens de ça. Nous étions allés à Lille avec mon épouse, nous avions signé le contrat quand j’étais à Antwerp. Mais cela ne s’est pas fait car Vandenbergh n’a finalement rejoint l’Antwerp pour me remplacer et nous nous sommes retrouvés tous les deux à Anderlecht, c’est assez drôle le football.
Bordeaux et Lille me suivaient quand j’étais à l’Antwerp
Vous avez aussi bien connu Enzo Scifo qu’on a vu à Bordeaux. Que pensez-vous du bonhomme ?
Avec Enzo Scifo, ou on l’adorait, ou on le détestait. Il n’y avait pas de juste milieu. Son jeu était énervant pour les adversaires. Quand il est arrivé à Anderlecht, son niveau technique était énorme. Il a beaucoup apporté au football belge. Il a un peu plus de difficultés en tant qu’entraîneur bien qu’il ait toujours envie d’être sur les terrains. Mais vous savez comment est le football…
Enzo Scifo ? Soit on l’adore, soit on le déteste
Pour en revenir à l’Antwerp, que pensez-vous du club aujourd’hui ?
Ca fait plaisir de les voir à ce niveau car ils ont attendu 13 ans avant de revenir en Pro League. Je les avais donné favoris pour le titre, D’onofrio a un gros portefeuille de joueurs et le président a des moyens. Les deux ont fait renaître Antwerp. Même en D2, il y avait 13 000 personnes. S’ils arrivent à rénover leur stade, quand on voit leur équipe, c’est très solide, très collectif. Mbokani qui était convoité par Anderlecht a bien fait de rester, il est comme un poisson dans l’eau. Mbokani est important pour le club, il ne lui faut pas beaucoup d’occasions pour marquer.
Ce que fait la direction à Antwerp est remarquable
Que devenez-vous depuis votre départ de Charleroi ? Coachez-vous toujours ?
Oui, toujours. J’habite dans la région anversoise. J’ai commencé à entraîner à Malines où le club était en faillite mais on devait finir le championnat. On s’est fait prêter des joueurs de partout et après 6-7 semaines, on a pris douze-treize points en battant Mouscron et puis après j’ai dû partir de Malines. Vous savez, quand vous avez été en D2, c’est compliqué d’avoir un poste en D1 sauf si vous montez. C’est de plus en plus compliqué de trouver des places. Ce n’est pas évident. Je parlais d’Enzo Scifo qui ne trouve pas de club alors qu’il a un nom et une carrière. Il faut l’accepter. Je suis déjà content quand je trouve un club car à la maison, on tourne vite en rond.
Merci Alex !
Source: leerosportnews.com